DUEKOUE: PLUS DE 56000 ELEVES SANS EXTRAIT DE NAISSANCE DANS LE GUEMON
Le taux d’enregistrement des naissances en Côte d’Ivoire
est très faible. C’est dire que les populations vivant sur le territoire
ivoirien manifestent peu d’engouement pour la déclaration des naissances. Ce
désintéressement général s’exprime avec
une gravité particulière dans les régions de l’ouest du pays.
Duékoué: Plus de 56000 élèves sans extrait de naissance
dans le Guémon
Selon monsieur KONATE DIAKALIDJA, Directeur Général de
l’Office National d’Identification(ONI) : « le taux d’enregistrement des naissances
à l’échelle nationale, à ce jour, pour le compte de l’année 2016, est de 54% ».
Le taux d’enregistrement des naissances en Côte d’Ivoire
est très faible. C’est dire que les populations vivant sur le territoire
ivoirien manifestent peu d’engouement pour la déclaration des naissances. Ce
désintéressement général s’exprime avec
une gravité particulière dans les régions de l’ouest du pays.
En 2016, dans la
région du Guémon, au primaire l’on dénombre 56404 élèves sans extrait de naissance soit 46% de l’effectif total des
élèves.
761 élèves du CM2 candidats ont été privées des examens
scolaires pour défaut d’extrait d’acte de naissance.
Ces enfants ont été ainsi privés de la chance de passer
et de réussir leur examen scolaire. Ils ont vu leur cursus scolaire brutalement
interrompu et leur avenir grandement hypothéqué. Et Dieu seul sait s’il pourra
se poursuivre un jour.
En effet,
l’établissement des naissances dans le Département de Duékoué constitue une
problématique complexe aux conséquences graves, eu égard au nombre très
important de personnes concernées et à la nature des préjudices engendrés.
Cette problématique mérite un traitement conséquent ou de
choc dont l’efficacité est largement
tributaire de la qualité de son diagnostic.
Les racines du problème ?
Les raisons du
faible taux d’enregistrement des naissances à Duékoué
L’efficacité des mesures visant à induire un changement
positif de comportement chez les populations de l’ouest, impose l’analyse des causes ou l’étude des racines de la faiblesse
du taux d’enregistrement des naissances
à Duékoué.
La crise socio-politique de 2000 à 2010 a
détruit tous les services d’enregistrement des naissances.
La crise
ivoirienne, on le sait, s’est déroulée à
Duékoué avec une violence inouïe.
Des centaines de personnes y ont été massacrés et tous
les services de l’Etat ont pratiquement
été pillés et saccagés. Les services
chargés de l’enregistrement des naissances à savoir, l’hôpital général de
Duékoué, les cinq Sous-préfectures (Duékoué, Bagohouo, Guézon, Gbapleu et
Guéhiébly) et la Mairie ont vu, à cette occasion, toutes leurs archives d’état
civil vandalisées.
Cette situation a fait disparaitre les registres
d’enregistrement et des milliers de personnes, en particulier les enfants, se
sont retrouvées sans extrait d’acte de
naissance. Les plus nantis ont obtenu à l’issue d’une procédure complexe et
coûteuse, un jugement supplétif.
B.K, planteur à
Duékoué, nous confie : « j’étais en classe de CM2 en 2005 quand la crise a
éclaté à Duékoué. Je n’ai pas eu le temps de faire mon extrait de naissance
avant. Quand la guerre a débuté, nous avons tous fui pour revenir des années
plus tard. J’ai voulu refaire mon extrait à la mairie et on m’a dit que le
registre a été volé pendant la crise et que je devrais me rendre au tribunal de
Guiglo pour faire un jugement supplétif. Or, je n’ai pas d’argent. La guerre
nous a beaucoup fait souffrir».
L’insuffisance des centres d’enrôlement
Depuis la fin de la crise en 2010, la population du
Département est en nette expansion à cause des nombreuses naissances et
l’important flux migratoire. Désormais
la dizaine de centres d’enregistrement des naissances du Département de Duékoué que se partagent
les cinq sous-préfectures ci-dessus cités, est largement insuffisante.
Pour une population de quatre cent huit milles cent
quarante-huit (408.148) habitants (selon le RGPH de 2014), le Département de
Duékoué a besoin de plus de centres d’enregistrement des naissances pour
répondre aux éventuelles sollicitations d’une population qui croit rapidement.
L’enclavement de certaines populations
En effet, l’enclavement de certaines populations rend
difficile leur l’accès aux rares centres
d’enregistrement.
A titre d’illustration, la sous-préfecture de Bagohouo,
située à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu, enregistre une forte
concentration humaine, en raison de la présence du Parc National du Mont Péko
qui est la cible de milliers de clandestins.
52000 occupants illégaux dont de nombreux enfants y ont
été dénombrés officiellement à l’occasion du déguerpissement. Et la
circonscription ne dispose que de deux
centres secondaires d’enregistrement dont l’un à Guinglo-zia et l’autre à Nidrou. «J’ai sept enfants non déclarés parce
que depuis que je suis entré dans le Parc National du Mont Péko mon patron
Amandé Oueremi nous empêchait de le faire. C’est la première fois que certains
de mes enfants sortent de la forêt à l’occasion du déguerpissement », explique
Kaboré Adama, un déguerpis du Mont Péko.
A l’insuffisance des centres d’enregistrement, se grèvent
les difficultés d’accès à la Sous-préfecture, dues à des voies non bitumées et
impraticables surtout en saison pluvieuse. Il en va pareillement de la
sous-préfecture de Gbapleu, située à 30 KM du chef-lieu Duékoué.
Le poids de la culture
Par ailleurs, les
pesanteurs socio-culturelles sont encore très fortes chez certaines communautés étrangères massivement présentes
dans le Département telles que les communautés burkinabé et la communauté
guinéenne. Pour ces dernières, les extraits de naissance sont établis dans le
but d’inscrire l’enfant à l’école. Or, la scolarisation des enfants n’est pas
considérée comme une obligation. Les
enfants étant encore perçus et utilisés comme main d’œuvre pour les travaux
champêtres et les activités commerciales de leurs parents. « Je suis seul avec
ma femme. Mon enfant n’ira pas à l’école, il doit nous aider dans taches, c’est
pourquoi je n’ai pas fait son extrait de naissance. Je ferai son papier une
fois au pays », souligne Diallo Karim commerçant à Pona-Vahi.
L’ignorance, le
coût et le déficit d’information
Enfin, l’ignorance de la loi sur l’état civil, le coût
relativement élevé des actes de naissance et le déficit d’information
conduisent de nombreux parents à renoncer à déclarer les naissances ou à se
faire établir eux-mêmes leurs actes de naissance.
En réalité, les interviews réalisées avec les usagers de
plusieurs centres d’état civil font état de ce que plusieurs d’entre eux ignorent qu’ils disposent d’un délai de 90
jours ou trois mois, après la naissance de leur enfant, pour procéder à sa déclaration devant les services compétents.
Passé ce délai,
ils sont forclos et réduits à demander un
jugement supplétif dont l’établissement est décidé par le juge du
Tribunal de Guiglo, à l’issue d’une procédure longue et plus coûteuse.
De plus, des parents rencontrés dans certains centres se
plaignent de la fluctuation des prix.
D’abord,
affirment-ils : « on nous a dit que la déclaration des naissances est gratuite et
quand nous venons le faire, on nous demande encore de payer 500F comme frais de
timbre. Et cette somme change souvent .Tantôt elle monte à 600F, tantôt à
1000FCFA pour un seul acte ».
Les enquêtes menées à
la Mairie de Duékoué ont permis
de rencontrer certains usagers sans extraits de naissance.
Idriss Soumahoro, est père de trois enfants. Ses enfants
et lui sont tous sans extrait d’acte
naissance.
Interrogé sur les raisons de cette situation, il explique
qu’il ignorait que la déclaration des naissances était soumise à des délais et qu’à défaut, la procédure
devenait très compliquée avec des témoins. Surtout l’ensemble des dépenses
pour un seul acte s’élève à quinze mille francs (15000 FCFA). «Tout ça pour un
simple papier, c’est trop chère ! » conclut-il.
Les informations recueillies auprès de la sous-préfecture
de Duékoué nous ont fait savoir que les 100FCFA qui se sont ajoutés sur le prix
du timbre, servent à acheter le papier rame sur lequel est imprimé l’acte. Pour
les informations relatives aux autres frais, nous n’avons pas reçu
d’explications précises.
Le déficit d’information apparaît également comme facteur
tendant à faire baisser le taux de fréquentation des centres d’enregistrement
par les populations.
En 2013, les Etats Unis d’Amérique à travers l’USAID, ont accordé un financement
à la Mairie de Duékoué pour l’établissement gratuit des extraits d’actes de
naissances des enfants d’un certain âge. Cet important projet a malheureusement
connu un engouement moyen à cause du manque d’information. C’est
malheureusement dans sa phase finale que
les populations ont commencé à s’y intéressé.
DES
PRÉJUDICES GRAVES
La question de l’enregistrement des naissances a une
certaine ampleur dans le département de Duékoué. Elle concerne une partie de la
population locale, en particulier les élèves. Les préjudices que ceux-ci
subissent du fait de cette situation sont graves.
52 404 élèves ont vu leur scolarité interrompu et leur
avenir hypothéqué en 2016 dans le département pour manque d’extrait d’acte de naissance.
Mais les enfants ne sont pas les seules victimes de cette
situation. Les parents eux-mêmes
souffrent de cette situation car plusieurs d’entre sont sans extraits
d’actes de naissance. La cherté des coûts et la complexité des procédures les
conduisent à rechercher la voie de la fraude
pour se faire établir leurs actes.
En effet, la fraude sur l’état civil est pratique qui a
court dans le Département et des cas de fraudes sont constamment découvert par
les services concernés.
Les usagers ne sont pas responsables de la fraude car des
informations en notre possession révèlent des agents de la Mairie étaient
versés dans cette pratique illégale, avant d’être découverts et radiés.
En plus d’hypothéquer l’avenir des jeunes, d’en faire des
déscolarisés exposés à toutes sortes de maux de la société (drogue, vol,
agression etc …), la difficulté d’enregistrement des naissances conduit à fragilisation des services ou des
institutions de l’Etat.
LES
RECOMMANDATIONS
Face à de telles conséquences désastreuses, des solutions
urgentes et idoines méritent d’être
trouvées.
En ce qui nous concerne, la problématique de
l’enregistrement des naissances à Duékoué trouve une réponse à la lumière des
avis ou des opinions des populations
locales.
La baisse du coût des extraits d’acte de naissance et du
jugement supplétif, comme de nombreux usagers le souhaitent, contribuera sans
nul doute à créer une affluence dans les centres d’enregistrement.
A ce niveau un clin d’œil est fait aux ONG telles qu’IRC, le Conseil Norvégien,
les Cliniques juridiques ou USAID qui ont mené des projets porteurs dans ce
sens dans le Département. Et surtout l’UNICEF dont le directeur général pour la
France, Sébastien Lyon a effectué une visite de terrain en Aout dernier dans la
région du Cavally pour booster le taux de déclaration des naissances à travers
un projet plein d’espoir. Cette agence du système des Nations Unies a joué un
rôle important dans la promotion de la
déclaration de naissance en réhabilitant le centre d’état civil de la sous-préfecture
de Guiglo.
De même, la multiplication des centres d’enregistrement et le rapprochement
de ceux ci des populations est une solution. A cela pourra s’ajouter
l’informatisation et la centralisation de tous les services d’état civil
nationaux comme dans les pays développés. Ce projet est envisagé depuis
longtemps par le Gouvernement mais sa mise en œuvre tarde à voir le jour.
Le Gouvernement, en tant que principal acteur du
développement et du bien-être des populations a une grande part de responsabilité
dans la recherche de solutions.
Par exemple, la décision prise juillet 2013 par le chef
de l’Etat Alassane Ouattara qui permettait de déclarer tous les enfants nés
dans les années chaudes de la crise, de 2010 à 2015, pourrait être reconduite
et étendue. Car elle a été brève et des milliers de personnes n’y ont pas été
pris en compte.
Les audiences foraines sont également une occasion qui
permettent à de nombreuses personnes de régulariser leur état civil
.Malheureusement ces séances sont généralement
ponctuelles et liées aux
élections politiques.
Les politiques de gratuité de l’école et de l’école
obligatoire apparaissent comme des leviers sur lesquels des solutions contre le
manque d’intérêt des populations pour la déclaration des naissances pourront
être bâtis.
Enfin, toutes les mesures correctrices envisagées devront
bénéficier d’une large publicité par l’implication des relais d’informations et
des organes de presse locaux ou nationaux
(églises, mosquées, griots, radio, presse écrite, télé).
SAINT-TRA BI
Correspondant régional
L’action
louable du Ramede-Ci
Le Réseau des acteurs des médias pour les droits de
l’enfant en Côte d’Ivoire (Ramede-Ci)
avec à sa tête Mamadou Doumbia œuvre depuis sa création pour défendre et
promouvoir les droits des enfants en Côte d’Ivoire. Selon son PCA, Mamadou
Doumbia son organisation a déjà posé des actions en faveur des enfants d’ici et
d’ailleurs. Pour lui, le Ramede-CI agit au niveau de la communication à travers
la sensibilisation des masses. Pour réussir sa mission, le Ramede-Ci aux dires
de son président, a décidé d’inscrire la lutte dans la durée en instituant un
prix pour récompenser le journaliste qui aura fait les meilleures productions
dans la thématique des déclarations des naissances.
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