L'ONU PLIE BAGAGE DEMAIN APRES 14 ANS DE MISSION CONTROVERSEE
Dans 24 heures à savoir le 15 février, la Mission des Nations unies en
Côte d’Ivoire fera ses premiers paquetages pour quitter le pays dans lequel
elle était installée depuis 14 ans. A Abidjan, les avis des populations
concernant ce départ restent partagés.
A Abidjan, la
capitale économique ivoirienne, l’imposant quartier général de l’ONUCI installé
sur les ruines de l’hôtel Sebroko surplombe le quartier de Williamsville
(centre d’Abidjan) comme s’il avait été bâti pour toujours. Mais après 14 ans
de fonctionnement, celui-ci fermera ses portes et le personnel prendra congé
des Abidjanais. Les soldats partiront aussi.
Parmi eux, le
contingent marocain déployé dans le bourbier de l’ouest de la Côte d’Ivoire
depuis 2004. Un contingent dont le professionnalisme et le dévouement ont été
reconnus à l'occasion de toutes les missions au service de la paix, de la sécurité
et de la réconciliation nationale de la Côte d’Ivoire qui lui ont été
assignées.
L’opération de
départ débutera cette semaine, comme l’a confirmé la semaine dernière au
Conseil de sécurité, la représentante spéciale du secrétaire général des Nations
unies pour la Côte d’Ivoire, Aïchatou Mindaoudou à New York (Etats-Unis). «Le
désengagement qui débute mi-février avec le départ des Casques bleus sera
effectif d’ici le 30 juin 2017», a-t-elle indiqué.
Selon la
représentante d’Antonio Guterres, l’Onuci a rempli son rôle, conformément aux
mandats qui lui ont été fixés, lors de ces 14 ans de présence. «Le reste, ce
sont les Ivoiriens qui devront le faire dans le cadre démocratique qui existe
aujourd’hui», a-t-elle soutenu. Une vision que bon nombre d’Ivoiriens ne
partagent pas, certains accusant la Mission d’avoir été partie prenante dans la
grave crise postélectorale que le pays a traversé en 2010-2011.
«L’ONUCI n’a
pas mis fin à la rébellion, elle a soutenu militairement Alassane Ouattara lors
de la crise postélectorale. Pour moi, elle n’a rien apporté aux Ivoiriens et
peut quitter le pays dans l’indifférence», a commenté André Botti, jeune
patriote de Yopougon (ouest d’Abidjan), un mouvement proche de l’ancien régime
d’Abidjan. «Les choses auraient pu être pire autrement», laissent pourtant
entendre d’autres Ivoiriens.
L’amertume des
travailleurs
La rancune
entretenue vis-à-vis de la mission onusienne n’est pas seulement le fait des
partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo (jugé à la Haye aux Pays-Bas).
Elle concerne également d'anciens travailleurs de la mission. Pour une mission
prévue sur deux ans, ils auront finalement travaillé pendant 14 années avec un
bon niveau de rémunération, selon certaines sources, et devront trouver un
autre boulot, sans percevoir d’indemnités.
En juin 2016,
plusieurs centaines d’employés locaux de l’ONUCI avaient manifesté à Abidjan et
à Bouaké, deuxième ville du pays, pour réclamer des «indemnités» de
licenciement. «Nous approuvons le départ de l’ONUCI, mais nous demandons que
nous soient payées des indemnités. Nous sommes 713 Ivoiriens dans cette
situation», avait indiqué Olivier Gnaoré, président de l’Association du
personnel recruté localement de l’Onuci (Apel-Onuci).
Un vide à
combler
En réponse, la
Mission avait produit un communiqué dans lequel elle soulignait que le paiement
d’une telle indemnité ne faisait aucunement partie des conditions de service du
personnel, ainsi que le stipulait le contrat.
Mais au-delà,
ce sont des pans entiers de l’activité économique qui seront touchés: les
commerces, les entreprises de transfert d’argent, les hôtels, les restaurants,
les cliniques privées et même les écoles.
«De 10.000
soldats en 2009, nous sommes passés à 4.000 en avril 2016 puis à moins de 2.000
au dernier trimestre 2016, le départ se fait en douceur», confie une source au
sein de l’organisation.
L’ONUCI part
également en laissant certaines populations dans la détresse. Des hôpitaux de
campagne avaient été installés parfois avec des équipement de pointe et
offraient des soins gratuits. A Daloa, centre ouest du pays, les populations
avaient même souhaité que le plateau technique du bataillon médical du
Bangladesh soit maintenu après leur départ.
Pour les
observateurs, la grande crainte est que le vide ainsi créé s’accentue dans la
mesure où les ONG internationales d’aide humanitaire auront du mal à justifier
leur présence dans le pays auprès de leurs bailleurs de fonds.
La paix est
bien revenue mais elle pourrait avoir un coût difficile à supporter pour des
populations, souvent pauvres, et qui, parfois, ne bénéficient que des actions
sociales prodiguées par l’ONUCI.
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