DELINQUANCE A ABIDJAN- LES ‘’MICROBES ‘’ DEFIENT L’ETAT, LA POPULATION ABANDONNEE A SON SORT
Ils ont à
nouveau pion sur rue. Au sens propre comme au figuré. Les enfants en conflit
avec la loi plus connus sous l’appellation « microbes » resurgissent de plus
belle à Abidjan, la capitale économique ivoirienne.
A Williamsville dans la commune d’Adjamé, ce jeudi 17 août, ces tristement
célèbres enfants ou jeunes délinquants ont fait parler d’eux. Ils ont paradé en
grand nombre tout l’après-midi. Maîtres des lieux pendant des heures durant,
ils ont créé comme à leur habitude, la peur panique chez les habitants.
Dépouillé des passants, et nargué la Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS1)
qui y a sa base. Exaspéré par cette ‘’prise d’otage’’, la population a exprimé
son mécontentement. Selon le confrère ‘’Africanewsquick’’ qui relate les faits,
les affrontements ont causé deux morts dans les rangs des envahisseurs.
Dans le quartier Deux-Plateaux de la commune de Cocody, ils se sont
également signalés deux jours plus tôt. Dans la presse nationale qui en parle,
deux jours durant, deux gangs « d’enfants microbes » se sont affrontés dans le
secteur du tribunal du commerce. Plusieurs blessés sont signalés. Ces deux
faits intervenus dans un intervalle de 48 heures ont été suivis d’un autre.
Selon des posts faits sur les réseaux sociaux dans l’après-midi du vendredi 18
août avec image d’illustration, un groupe de jeunes dits « microbes » avaient «
décrété un couvre-feu » dans un quartier de la commune d’Attécoubé, toujours à
Abidjan. Cette recrudescence de la délinquance juvénile inquiète, mais elle a
une origine selon des spécialistes.
Jean-Paul Zunon Kipré, stratégiste militaire et expert en question de
sécurité explique que c’est le propre de toutes les grandes villes du monde. « Les
problématiques de la délinquance juvénile sont consécutives à l’urbanisation
dans toutes les grandes villes du monde, mais surtout à la démographie
galopante. Dans toutes les grandes villes du monde on trouve la délinquance
juvénile. L’Afrique n’est pas exemptée par cette réalité. A Kano, Lagos au
Nigéria, Soweto en Afrique du Sud, Kinshasa en RD Congo pour ne citer que ces
villes », commente-il pour Poleafrique.info qui l’a joint.
Pour ce qui est du cas ivoirien, il souligne cependant une particularité. «
Pour revenir à la Côte d’Ivoire, on n’a pas arrêté de déconstruire la violence
avec les armes qui circulent. On n’a pas déconstruit avec la restructuration et
la récupération des forces de défense et de sécurité. On n’a pas déconstruit
avec le politique. Au regard de la réconciliation hésitante, on n’a pas
également déconstruit. Quand on a construit involontairement les problématiques
d’enfants soldats, les problématiques d’armes légères qui circulent, on ne peut
qu’avoir ce qu’on voit aujourd’hui », ajoute l’expert.
Dr Yao Albert est enseignant-chercheur en Sociologie à l’université Félix
Houphouët-Boigny d’Abidjan Cocody qui estime que « Ce sont des enfants qui
sont en rupture de banc avec la société. » « Je ne parlerai pas
d’enfants microbes, mais plutôt d’enfants qui sont en rupture de banc avec la
société. Ce genre de situation est souvent caractérisé par plusieurs choses.
Elles peuvent survenir au cours d’un problème au niveau de la famille, et aussi
au niveau de la société. Si la société n’offre pas de perspective malgré ce que
les parents font pour l’insertion ou la bonne éducation des enfants, vous
comprendrez que les enfants vont se rebeller avec la société. Ce mal est bien
connu par tous y compris par les autorités qui évoquent très souvent la
question de reconversion ou de resocialisation de ces enfants. En d’autres
termes, c’est la réaction des enfants face à la non perspective de reconversion
par rapport à ce qui leur est offert », analyse l’universitaire.
Une autre appellation de la délinquance
Aujourd’hui, cette forme de délinquance se généralise aux personnes
matures. A l’origine attribuée à des mineurs, ce banditisme urbain est le
propre de tout malfaiteur. Tout le monde se réfugie derrière cette appellation
de « microbes » pour commettre des méfaits. « Le nom microbe
n’appartient pas à un groupe. Ce nom n’appartient pas à un groupe qui est à
Abobo gare, à Yopougon ou Port-Bouët. C’est une façon de faire. Aujourd’hui, le
nom « microbe » désigne la délinquance juvénile ivoirienne. Ce sont
des choses qu’il faut déconstruire par la culture de la paix, de l’amour
», recommande Jean-Paul Zunon Kipré. Un
avis que partage Dr Yao Albert.
Pour faire face à ce fléau, des actions de sécurisation des populations
sont menées par les autorités. Courant juin 2017, les services de la police
nationale ont lancé une opération de sécurisation des vacances. Dénommée
opération « Épervier » qui était à sa deuxième édition, elle visait à détruire
des fumoirs et démanteler des gangs. Certaines communes d’Abidjan avaient vu le
passage des agents des forces de sécurité. Un bilan fait de cette opération a
montré de nombreuses armes à feu et armes blanches saisies. Plusieurs fumoirs
ont également été détruits et de nombreuses arrestations, opérées.
« On n’a pas été efficace sur le long terme. Ces opérations ont été des
actions d’éclat et de publicité. En Côte d’Ivoire on aime les actions d’éclats
et des coups de publicité. La police n’est pas là pour un jour ou deux. Elle
est là pour la sécurité du citoyen. Pendant les actions d’une semaine ou deux,
les gens vous observent et observent aussi une accalmie. Mais après, ils
étudient votre stratégie et se réorganisent pour revenir. Le problème de la
Côte d’Ivoire est le suivi des actions », réagit l’universitaire. Pour
lui, la rigueur doit être de mise face à cette forme de violence. L’expert en
sécurité Jean-Paul Zunon Kipré va dans le même sens.
« Juridiquement les mineurs sont protégés. De mon point de vue, il faut
aussi protéger les populations vulnérables, les populations fragiles que sont
les femmes et les enfants. Nos lois protègent les enfants comme ailleurs en
Occident. Il est logique de les protéger davantage encore. Seulement, il
convient de prendre à bras le corps toutes ces problématiques, nommer des
spécialistes et surtout avoir une volonté politique. Il faut les gérer en
amont. Si on ne peut finir avec les enfants, on peut faire porter le chapeau
aux parents. Il faut conscientiser les parents. Il faut des prises en compte en
amont. Il y a des ONG venues de l’étranger qui nous assistent pour régler ces
problèmes de « microbes » et autres. Mais jusqu’ici, le bilan est
négatif. Or ces ONG sont en train de partir sans avoir régler le problème
», commente-il.
Une autre façon de nous abandonner à notre sort ingérable face à ces
« microbes » devenus un véritable cancer social? La population qui a
peur, à toute heure, dans la ville d’Abidjan, se réfugie derrière Dieu.
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