PROMOUVOIR LA CITOYENNETE POUR CONFORTER LA DEMOCRATIE EN COTE D'IVOIRE
Dr Alexis Dieth - Publié le: 22-08-2017 - Mise-à-jour le:
22-08-2017 - Auteur: Dr Alexis Dieth.
Avant de démontrer de manière argumentative que
la reconstruction d'une appartenance nationale citoyenne, composante de base de
la démocratie et condition du développement endogène, doit être prioritaire en
Côte d'Ivoire, il importe de souligner l'unicité de la démocratie. « Il n'y a
pas de démocratie blanche ou noire, chrétienne ou islamique ; toute
démocratie place au-dessus des catégories « naturelles » de la vie
sociale la liberté du choix politique. C'est le sens ultime de la définition
même de la démocratie: le libre choix des gouvernants par les gouvernés »
dit Alain Touraine. Les appels récurrents au rejet d'une démocratie dite
« occidentale » au profit d'une démocratie spécifiquement
africaine sont clairement motivés par la volonté des groupes dominants de
maintenir, au détriment du plus grand nombre, les privilèges garantis par les
régimes d'oppression et de tutelle.
La démocratie est constituée par trois
composantes : la citoyenneté, la représentativité sociale du pouvoir et la
limitation de l'Etat par les droits de l'homme. Ces trois composantes commandent le développement endogène.
« Pas de démocratie, pas de développement non plus, sans citoyenneté,
c'est-à-dire sans conscience d'appartenance à un ensemble national régi par des
lois ». La citoyenneté est une
condition de la démocratie dans la mesure où elle fait de tous les membres
de la cité des sujets de droits. La citoyenneté fonde leur droit de participer
directement ou indirectement à la gestion de la société. Elle est une condition de la démocratie et du
développement dans la mesure où elle permet de construire une organisation
sociale « qui combine l'unité de la loi avec la diversité des intérêts et
le respect des droits fondamentaux » (Cf. Alain Touraine). Elle l'est dans la mesure où la conscience
de la citoyenneté permet de bâtir un Etat ayant l'objectif principal de « renforcer
de la société nationale, à la fois par la modernisation économique et par l'intégration
sociale ». La représentativité sociale du pouvoir est aussi une
composante de la démocratie qui conditionne le développement car elle favorise
« le processus de redistribution des produits de la croissance et donc
d'intégration sociale ». La limitation du pouvoir par les droits de
l'Homme permet, quant à elle, de transformer l'Etat en force de développement
car elle conduit ce dernier à faire de la promotion des libertés et
de la rupture des mécanismes de reproduction sociale, les buts de la
modernisation de l'économie, de l'investissement et de l'industrialisation.
La crise de la démocratie qui généra le
sous-développement économique dans les autocraties et les dictatures
postcoloniales africaines fut provoquée par l'incapacité des Etats à
construire une appartenance nationale citoyenne à partir de la pluralité
ethnique, à transformer les nationaux en citoyens. Elle fut aussi causée par la
déficience de la représentativité sociale du pouvoir politique, et par
l'absence de limitation de l'Etat par les droits de l'homme.
L'instrumentalisation de l'ethnicité à des fins de domination politique,
l'entretien des divisions ethniques, religieuses et régionales par les Etats,
le refus de construire la citoyenneté, la substitution subséquente de la
représentativité communautaire à la représentativité sociale, la violation des
droits de l'homme furent les forces motrices systémiques endogènes du
sous-développement et de la désintégration sociale en Afrique.
En faisant de la colonisation, la cause unique et
permanente de ces déficiences systémiques internes de nos Etats postcoloniaux
africains, nous fuyons, en tant que classe politique et en tant qu'élite, notre
responsabilité colossale dans cette catastrophe. Nous nous condamnons à reproduire les
conduites d'échec qui entretiennent le sous-développement et la désintégration
sociale.
En Côte d'Ivoire, la confusion politique et
sociale actuelle résulte de la déficience de la construction de la citoyenneté
et de la représentativité sociale des partis politiques. Ces déficiences ont
mis en crise la démocratie ivoirienne et obéré, en conséquence, le projet de
développement endogène qui fut le programme politique du gouvernement. Il était impossible de réaliser l'intégration
sociale et politique de la Côte d'Ivoire post-crise électorale par la
modernisation économique sans développer activement de manière concomitante la
citoyenneté, la représentativité sociale du pouvoir et la limitation de l'Etat
par une politique résolument démocratique. L'entretien des
communautarismes et des antagonismes régionaux par le maintien d'une
géopolitique surannée, qui date de la guerre froide, fut une colossale erreur
consciemment reproduite en raison de l'idolâtrie du pouvoir et du
patrimonialisme qui anime les classes politiques ivoiriennes. Thématique à la mode dans la guerre de
succession qui s'est ouverte entre les prétendants au pouvoir,
l'instrumentalisation de la réconciliation comme arme politique et les
violences armées sporadiques qui l'accompagne, sont la nouvelle version
emblématique de la déficience de la citoyenneté, de la représentativité sociale
des partis politiques et des manquements au respect des droits fondamentaux.
Il est donc urgent de dénoncer ces dévoiements
internes qui menacent de précipiter la Côte d'Ivoire dans les abîmes, et dont
les auteurs sont les forces politiques et leurs intellectuels organiques
respectifs. Il est
fondamental de redéfinir les objectifs de la lutte démocratique ivoirienne. L'objectif vital immédiat est de reconstruire
dans ce pays une appartenance nationale citoyenne, de réconcilier et d'unir les
Ivoiriens dans la conscience et le sentiment de citoyenneté par delà leurs
appartenances ethniques, religieuses et régionales. Il est aussi de
rebâtir la représentativité sociale du pouvoir et de limiter l'Etat par les
droits de l'homme. C'est à cette condition, et seulement à cette condition, que
le développement autocentré et l'intégration sociale de la diversité seront
possible en Côte d'Ivoire, car ces composantes de la démocratie sont les
principes déterminants et structurants du développement endogène.
Dr Alexis Dieth
Professeur de philosophie
http://lebanco.net/banconet/bco32275.htm
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