COTE D’IVOIRE: POURQUOI L’EAU POTABLE MANQUE ENCORE DANS DES QUARTIERS D’ABIDJAN (ENQUETE)



Mis en ligne par La Rédaction | samedi 26 Août 2017

Les zones à problème, les difficultés rencontrées Si certains pays du monde ont des difficultés à disposer d’une réserve d’eau naturelle, ce n’est pas le cas pour la Côte d’Ivoire. Par contre, elle est confrontée à des problèmes techniques et organisationnels dans le cadre du traitement, de la distribution et de l’utilisation de l’eau potable. Une situation qui engendre des désagréments au sein de sa population. Le calvaire n’épargne pas les zones urbaines, précisément, la capitale économique, Abidjan où des citadins ont fait ou font face à un manque d’eau inédit…
L’eau source de vie a été, depuis plus d’une décennie, un véritable problème pour la population de Batim 1, un ‘‘ancien’’ quartier de la commune de Yopougon dans le district d’Abidjan. « Depuis plus d’un mois, nous avons l’eau régulièrement », jubile Akiré Williams, un résident dudit quartier. Le problème de l’eau a été un véritable souci pour toute la population de Batim 1 composée de plus de 1000 âmes. Des familles ont été obligées de quitter ce paisible quartier. Certains acquéreurs des résidences de la cité confrontés aux pénuries d’eau ont vendu leurs logements, d’autres y sont restés en faisant face à cette situation qui a duré 17 ans. Dans tous les cas, le manque d’eau dans ce quartier a causé plusieurs problèmes. « Une jeune fille a été renversée par un camion-benne pendant qu’elle allait à la recherche de l’eau. Cette dernière a été paralysée durant huit (8) mois. À ce fait, des enfants ont été victimes d’accidents de la circulation, tout simplement parce qu’ils devraient traverser la route pour se rendre dans les lieux d’approvisionnement en eau. Notons également que des femmes ont été agressées pendant qu’elles partaient se ravitailler en eau entre minuit et 4 heures du matin. A Gesco (Yopougon, Ndlr), on a plusieurs victimes. Nous enregistrons des cas de viol. À Ayakro (Yopougon, Ndlr), je connais une dame qui a été agressée puis poignardée pendant qu’elle allait chercher de l’eau nuitamment. Le manque d’eau nous rendait malades. En 2013, avec la pénurie qui a duré toute l’année, nous avons enregistré plusieurs cas de maladies, des douleurs de ventre, les céphalées à répétition, des troubles de sommeil… Nos enfants en souffraient assez. Mes enfants étaient fréquemment hospitalisés », a raconté le samedi 19 août 2017 madame Marie Niamké, résidente à la cité de Batim 1 depuis 1997. Poursuivant, elle a fait savoir que l’approvisionnement en eau par les camions citernes de l’Office national de l’eau potable (ONEP) ou des sapeurs pompiers engendrait des bagarres en leur sein. « L’ONEP a commencé à nous envoyer des citernes de ravitaillement lorsque nous avons commencé à dénoncer la situation par des marches et sur les réseaux sociaux. Mais, nous étions toujours en alerte pour l’eau ce qui entrainait des débordements lorsqu’une citerne d’approvisionnement est aperçue dans la cité », se désole Koffi Gildas, un autre résident de Batim 1 depuis 1997.
L’eau de pluie préférable à l’eau du robinet
Les conditions dans lesquelles l’eau est recueillie laissent perplexes des résidents de Batim 1. « Le problème d’hygiène de l’eau posait problème. Car tous les résidents s’amassaient en un endroit pour recueillir l’eau. Très souvent, c’est à partir des canalisations des WC publics que l’eau était recueillie » a dénoncé Oura Désirée, habitante de la même cité depuis 3 ans. « L’eau de pluie nous soulageait davantage. Elle était d’ailleurs mieux. Car il est arrivé parfois que l’eau dite potable recueillie dans les lieux inappropriés comme dans les toilettes publiques contienne des vers de terre. La couleur de cette eau nous intriguait très souvent. Lorsqu’elle est exposée, elle faisait transparaître des dépôts de sédiments », ajoute Koffi Gildas. Face au manque d’eau, la population ne faisait pas attention aux normes hygiéniques. « Les lieux où nous allions chercher l’eau étaient vraiment insalubres », rigole madame Marie Niamké.
Une économie parallèle engendrée
Les pénuries d’eau dans les quartiers font le bonheur de certaines personnes. De Batim 1 à Beago, en passant par Gesco, Ayakro, Anneraie et Micao, des quartiers de la commune de Yopougon, le commerce de l’eau ‘‘illicite’’ a fait et continue de faire les beaux jours des vendeurs. Un bidon de 25 litres d’eau est rempli à 25 ou 50 FCFA, selon le quartier. Des jeunes hommes qui se sont spécialisés dans ce nouveau commerce au sein de la capitale économique de la Côte d’Ivoire, remplissent et livrent le bidon de 20 ou 25 litres à 100 FCFA. « Nous louons des motos taxis à des jeunes en leur payant 10 bidons de 25 litres à 2500 ou 3000 FCFA » estime Brou N’Dri Adèle, restauratrice à Yopougon Gesco. « Le manque d’eau occasionne des dépenses supplémentaires. Le cubage nous revient 10 fois plus cher », renchérit Koffi Gildas.
La source du problème
L’histoire de la pénurie à Batim 1 a débuté, témoigne Koffi Gildas, entre 2000 et 2001. « Cela fait 20 ans que je suis dans cette cité de Batim 1. Elle a été achevée entre 1996-97. Nous étions les premiers résidents de cette cité. Au départ nous avions l’eau, c’est à partir de 2000-2001 que ces problèmes ont commencé. Au cours de la journée, le débit était faible au début. C’est au cours de la nuit qu’on avait de l’eau véritablement. Alors, lorsque tous les habitants d’une cour composée de plusieurs familles veulent se servir en même temps, cela est impossible à cause de la faiblesse de la pression. Il a fallu nous organiser afin de faire face au faible débit. Chaque cour possédant des bidons de 20 à 25 litres. Nous les remplissons afin d’avoir de l’eau en réserve. Après 2010, tous les résidents étaient contraints d’avoir des fûts de 500 à 1000 litres, car la situation s’aggravait », relate-t-il. « À partir de 2013, nous avons fait un an sans avoir une goutte d’eau dans les robinets », précise madame Marie Niamké. Quant à Brou Adèle, elle s’alarme en ces termes : « Ici à Gesco nous continuons de souffrir le martyr face au manque d’eau. Souvent, nous avons l’eau dans la nuit. Ce qui fait que nous dormons en ayant en esprit la venue de l’eau entre 24h et 4 heures du matin. »
Le manque d’eau selon un agent de la Société de distribution de l’eau en Côte d’Ivoire (SODECI) est lié au mauvais état des principales conduites d’eau et à la vétusté des châteaux d’eau. « Le problème de pénurie d’eau dans les zones d’Abidjan est simplement le fait des conduites d’eau bouchées et des châteaux vieillissants », révèle l’agent. Poursuivant, il reconnait que ce sont des problèmes qui peuvent se régler très vite. Mais, des conflits de compétence seraient la cause de la souffrance des populations. « L’installation et l’entretien des principales conduites d’eau sont à la charge de l’Office national de l’eau potable (ONEP) », indique-t-il.

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