APRÈS SNOWDEN…
«Snowden», le film réalisé par Oliver Stone sur l’ex-analyste qui a entre autre travaillé à la National Security Agency (NSA), services de renseignements aux Etats-Unis, repose la question du droit de l’enfant à la protection de sa sphère privée. Avec ses révélations, Snowden a en effet souligné qu'à l'avenir tout enfant naîtra dans un monde où ses actes, écrits et pensées pourront être surveillés. Il faut donc s’attendre à une violation massive de l'article 16 de la Convention des droits de l'enfant: «Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance».
Le film consacré à Snowden laisse supposer l’ampleur de cette violation. La question est épineuse car la limite entre la protection des enfants et l’immixtion arbitraire ou illégale dans leur vie privée est ténue. La surveillance à des fins de protection des mineurs, notamment contre les prédateurs sur internet, rend la question particulièrement aiguë: comment protéger sans surveiller? Posée ainsi, la question nous amène à accepter l’intrusion, et finalement la banaliser.
Or ne sommes-nous pas ainsi déjà en train d’entériner l’atomisation de la société et ses conséquences? Il peut être salutaire de lire ce que le politologue Putnam écrit sur la diminution de l’altruisme. Selon lui, la démocratie est fortement dépendante du capital social, c’est-à-dire de «la valeur collective de tous les "réseaux sociaux" et les inclinations qui résultent de ces réseaux pour faire des choses l'un pour l'autre»1. Il y a deux décennies, Robert Putnam observait déjà que la diminution du capital social aux Etats-Unis se traduisait notamment par une baisse de confiance dans le gouvernement. L’élection du nouveau président des USA est venue confirmer cette tendance.
On peut ainsi voir que le populisme fait recette dans des sociétés de plus en plus atomisées, où le lien social fragilisé entraîne une montée de la méfiance et donc de l’exclusion. La surveillance généralisée apparaît alors comme la solution, et la boucle de ce cercle vicieux est alors bouclée. La réduction de l’espace privé et sa violation sont ainsi paradoxalement attisés par le repli sur soi et l’enfermement identitaire. Face à cette tendance actuelle, on doit repenser la protection de l’enfance à partir du «vivre ensemble» au lieu de la tendance généralisée de «protéger contre».
1 Putnam, R. (2000). Bowling alone. The collapse and revival of American community. New York: Simon & Schuster.
Image: WOCinTech Chat, flickr/cc
http://www.childsrights.org/actualites/editoriaux/1448-apres-snowden
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