NOS RESULTATS SCOLAIRES SONT EN DEPHASAGE AVEC LA REALITE", Kokounseu Madé Benson : (inspecteur pédagogique)
Dans cet entretien, Kokounseu Madé Benson explique les bons et les mauvais
côtés de la circulaire sur la suppression du redoublement.
Depuis environ un mois, des informations émanant du ministère de
l’Education nationale suscitent une incompréhension au sein de la population.
Il s’agit notamment de la suppression du redoublement dans certaines classes et
de la baisse des moyennes de passage. En tant qu’inspecteur pédagogique,
avez-vous pris part à l’élaboration de cette mesure ?
Oui. Nous avons travaillé à son
élaboration. Ce qu’il faut savoir, c’est
qu’il y a eu une première circulaire du 12 août 2016 qui a été par la suite
remplacée par la circulaire 15-61 du 20 avril 2017. Dans cette dernière
circulaire dont il est question aujourd’hui, il y a donc une modification de
l’approche par compétence (APC). De sorte qu’au primaire, dans les classes de
cours préparatoires (CP), on ne redouble plus. Donc du CP1 au CP2, il n’y a pas
de redoublement. C’est pareil pour les cours élémentaires (CE) et les cours
moyens (CM). Ainsi, du CE1 au CE2, il n’y a pas de redoublement. Idem du CM1 au
CM2. Cependant, pour passer du CP au CE et pour passer du CE au CM, il y a une
moyenne générale annuelle (MGA). Evidemment, du CM2 à la 6ème, il y
a un concours.
Au secondaire également l’approche par compétence a été appliquée, du moins
à un certain niveau…
Exact. On considère que les
classes de 6ème et de 5ème sont des cycles d’observation.
Alors, l’élève passe de la 6ème en 5ème sans redoublement.
Mais de la 5ème en 4ème, il faut une moyenne générale
annuelle. De même, les classes de 4ème et de 3ème sont
considérées comme des cycles d’orientation. On ne redouble pas aussi. Et c’est
là que s’arrête pour l’instant l’APC. Nous réfléchissons comment l’étendre aux
autres classes.
Qu’en est-il des moyennes générales annuelles requises ? Selon les informations que nous avons reçues,
un élève du primaire peut passer avec 4 de moyenne et celui du secondaire avec
9.
Je vous explique ce que dit la
circulaire 15-61 à ce sujet, parce que tout n’est pas vrai. Au primaire, pour
passer du CP2 au CE1 ou du CE2 au CM1, il faut une moyenne générale annuelle
supérieure ou égale à 5/10. Maintenant, si l’élève a une moyenne qui est
inférieure à 5/10, son cas est analysé par le conseil des maîtres, qui est
constitué entre autres, des enseignants et des directeurs d’écoles. Ces
derniers décideront si l’apprenant
mérite véritablement d’être admis en classe supérieure. S’il a eu 2 de moyenne à la 1ère
composition, 3 à la 2ème composition et 4 à la 4ème
composition, par exemple, et qu’il se retrouve à la fin avec 4 comme moyenne
générale annuelle, on peut le faire passer. Parce qu’on note une évolution dans
ses notes, une envie d’apprendre. Il n’y a pas de raison qu’il redouble.
C’est la même chose au secondaire ?
Pas tout à fait. Pour passer de
la 5ème en 4ème, il faut une moyenne générale annuelle
supérieure ou égale à 10/20. Maintenant, pour les élèves dont les moyennes sont
comprises entre 9,5 et 9,99 le conseil planchera sur leur cas. Si l’élève se
conduit bien en classe, et que l’on note une volonté de travailler, il sera
admis. Vous verrez donc un élève qui redoublera avec 9,80 tandis qu’un autre
passera avec 9,5.
Cette approche par compétence sera-t-elle mise en vigueur ?
Oui. Probablement à la fin de
l’année, pendant le calcul des moyennes.
Quelle est l’objectif d’une telle mesure ?
Le but c’est d’éviter que les
élèves se retrouvent dans la rue. Il faut les garder autant qu’on peut dans le
système éducatif. Beaucoup parmi nos grands cadres que vous connaissez, ont été
repêchés pendant le baccalauréat. Cela n’en fait pas moins de bons dirigeants.
Ce système n’est pas mauvais en soi. Il permettra de lutter contre les
phénomènes tels que les ‘‘enfants microbes’’. Il faut garder les enfants à
l’école, c’est important.
N’est-ce pas plutôt une façon de tirer le niveau des élèves vers le bas,
quand on connaît les résultats accablants du rapport de la Banque mondiale sur
le faible niveau de nos apprenants ?
Effectivement, c’est là que se
situe le débat. J’ai lu le rapport de la Banque mondiale qui est très juste
d’ailleurs. C’est pour cela que nous disons que ce n’est pas le fait de passer
avec 9/20 en classe supérieure qui pose problème, mais le système d’évaluation
de nos élèves. Il y a des élèves qui ont l’entrée en 6ème sans
repêchage, mais qui ne savent ni lire ni écrire. Pourquoi ? Tout simplement parce que la
formation est mauvaise. Il faut le dire clairement : la qualité de nos
enseignants pose problème aujourd’hui. Le mode de recrutement n’est pas bon. Ce
qui fait que l’on a affaire à plusieurs types d’enseignants dans le système
éducatif. D’abord ceux formés à l’Ecole normale supérieure (ENS), ensuite vous
avez les enseignants licenciés, les bénévoles qu’on a réintégrés, les
contractuels…La pédagogie est mise à mal, le respect a foutu le camp. Les
évaluations sont approximatives, et les enseignants se lancent dans le marchandage
des notes. C’est ce qui est inquiétant quant à la mise en œuvre de l’approche
par compétence. Il faut
chercher à résoudre ces problèmes.
N’aurait-il pas été mieux de régler ces problèmes en amont avant de mettre
en pratique de telles mesures ?
C’est juste. D’autant que les
observations que nous faisons sur le terrain sont graves. C’est en ce sens que
je salue la Banque mondiale qui, malgré les chiffres flatteurs présentés par le
milieu de l’éducation nationale, a mené son enquête et a produit un rapport qui
est en fait le jour et la nuit, comparé aux résultats présentés par notre
système éducatif.
Etes-vous en train de dire que les résultats présentés sont en déphasage
avec la réalité ?
Tout à fait. Je peux vous dire,
en tant qu’inspecteur pédagogique, qu’il y a des directeurs d’écoles qui ont
peur de présenter des chiffres en deçà des attentes. Et qui sont obligés de
donner des notes qui sont coupées de la réalité.
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