COTE D’IVOIRE: RENDRE LE SOURIRE AUX VICTIMES DU NOMA, MALADIE QUI DEFIGURE ET EXCLUT
Publié le vendredi 27 octobre 2017
Abidjan -
"Je reste enfermée à cause de ça... Je ne sais
ni lire ni écrire, je ne suis pas allée à l’école, je ne peux pas travailler", affirme Flora Doumé, à la veille d’une opération pour réparer son visage dans une clinique privée d’Abidjan: "ça", c’est le noma, une maladie qui l’a défigurée.
C’est une équipe de bénévoles de l’association ivoirienne Sourire un jour qui va l’opérer.
Le noma a fait pousser une excroissance qui a recouvert l’oeil de Flora, puis la moitié gauche de son visage, la conduisant à vivre recluse pendant 17 de ses 20 années d’existence, pour échapper aux moqueries mais aussi aux insultes et aux peurs que suscitent les séquelles de son mal.
Appelé aussi "gangrène de la bouche", le noma est une maladie bactérienne foudroyante qui s’attaque surtout aux enfants en bas âge (moins de 6 ans) et tue dans au moins 80% des cas - des antibiotiques peuvent la soigner mais les enfants concernés n’y ont généralement pas accès.
Elle "mange" en quelques semaines les muqueuses, les os et la peau, laissant aux survivants des trous ou des excroissances qui déforment le visage, explique le chirurgien espagnol Angel Emparanza, spécialiste de la réparation maxilo-faciale à Saint-Sébastien (Espagne).
Il vient régulièrement et bénévolement en Afrique depuis 2003 pour des campagnes d’opérations au Nigeria, au Kenya, en Côte d’Ivoire ou au Burkina Faso.
Visages défigurés, absence de lèvres, de nez, gencives apparentes... Sur la terrasse de la clinique La Rochelle, une trentaine de patients attendent ensemble sur des chaises en plastique.
Habiba Sawadogo joue avec son fils Abdourahim qui souffrait d’un bec de lièvre et vient d’être opéré. "Il y a encore des soins à faire mais je suis contente. Je n’avais pas l’argent pour le faire soigner."
- Diablerie et sorcellerie -
Le noma "est une maladie de la pauvreté, de la malnutrition, de gens qui vivent dans des conditions d’hygiène défaillantes", souligne Angel Emparanza, le chirurgien, qui rappelle que les trous et déformations sont des séquelles.
La maladie, qui prend d’abord la forme d’aphtes et de saignements dans la
bouche, touche les personnes aux systèmes immunitaires faibles.
On évoque jusqu’à 500.000 cas dans le monde, selon le Dr Emparanza, surtout concentrés en Afrique.
Mais le noma frappe aussi dans les pays les plus pauvres d’Asie et d’Amérique du sud, notamment.
"Le noma a des répercussions sociales importantes", précise le professeur de médecine ivoirien Guy Varango. "C’est une maladie, mais dans les villages on peut y voir des diableries, de la sorcellerie. On exclut les gens qui en souffrent".
Comme Flora. "Quand je sortais, on se moquait de moi, mes parents n’ont pas voulu que j’aille à l’école. Je suis tout le temps à la maison", témoigne la jeune femme, regrettant entre autres de ne pas avoir de "petit ami". "Comment voulez-vous que je connaisse l’amour ?"
La semaine dernière, l’équipe de Sourire un jour a vu plus de 100 patients et en a opéré une cinquantaine. Certains devront subir plusieurs interventions.
L’association prend en charge tous les frais (opération, nouriture, transport) pour ces patients généralement démunis et qui n’ont pas les moyens d’entreprendre ce genre de soins, destinés aussi à des gens souffrant de becs de lièvre ou d’autres anomalies.
- Pouvoir se regarder dans la glace -
A la clinique de La Rochelle, les patients reprennent confiance.
"Flora a pleuré quand le docteur lui a dit qu’on allait l’opérer et que c’était une +belle jeune fille+, qu’on allait l’aider. C’était la première fois de sa vie qu’on lui faisait un compliment", raconte Tieu Huberson, un des accompagnateurs, qui préside l’association des handicapés de la région de Danané (ouest, à la frontière avec le Liberia), lui-même aveugle.
"On a travaillé pour recenser les gens, rencontrer les chefs de village.
C’est grave. Ils (les personnes atteintes) ont honte de sortir. Tout le monde les regarde, imaginez l’humiliation!", souligne-t-il.
Dans une salle de réveil, Herman Goué, 19 ans, originaire de Danané comme Flora, émerge. Les docteurs lui ont pris une partie de la peau de la gorge pour la greffer sur son visage.
Le patient sourit difficilement et explique qu’il est "soulagé". Il souffrait depuis son plus jeune âge, "depuis qu’il s’en souvient" et attend de se "regarder dans la glace".
Quelques jours plus tard, après son opération, Flora a elle aussi découvert un visage nouveau. "Je suis heureuse, je vais pouvoir avoir un mari et des enfants.
ni lire ni écrire, je ne suis pas allée à l’école, je ne peux pas travailler", affirme Flora Doumé, à la veille d’une opération pour réparer son visage dans une clinique privée d’Abidjan: "ça", c’est le noma, une maladie qui l’a défigurée.
C’est une équipe de bénévoles de l’association ivoirienne Sourire un jour qui va l’opérer.
Le noma a fait pousser une excroissance qui a recouvert l’oeil de Flora, puis la moitié gauche de son visage, la conduisant à vivre recluse pendant 17 de ses 20 années d’existence, pour échapper aux moqueries mais aussi aux insultes et aux peurs que suscitent les séquelles de son mal.
Appelé aussi "gangrène de la bouche", le noma est une maladie bactérienne foudroyante qui s’attaque surtout aux enfants en bas âge (moins de 6 ans) et tue dans au moins 80% des cas - des antibiotiques peuvent la soigner mais les enfants concernés n’y ont généralement pas accès.
Elle "mange" en quelques semaines les muqueuses, les os et la peau, laissant aux survivants des trous ou des excroissances qui déforment le visage, explique le chirurgien espagnol Angel Emparanza, spécialiste de la réparation maxilo-faciale à Saint-Sébastien (Espagne).
Il vient régulièrement et bénévolement en Afrique depuis 2003 pour des campagnes d’opérations au Nigeria, au Kenya, en Côte d’Ivoire ou au Burkina Faso.
Visages défigurés, absence de lèvres, de nez, gencives apparentes... Sur la terrasse de la clinique La Rochelle, une trentaine de patients attendent ensemble sur des chaises en plastique.
Habiba Sawadogo joue avec son fils Abdourahim qui souffrait d’un bec de lièvre et vient d’être opéré. "Il y a encore des soins à faire mais je suis contente. Je n’avais pas l’argent pour le faire soigner."
- Diablerie et sorcellerie -
Le noma "est une maladie de la pauvreté, de la malnutrition, de gens qui vivent dans des conditions d’hygiène défaillantes", souligne Angel Emparanza, le chirurgien, qui rappelle que les trous et déformations sont des séquelles.
La maladie, qui prend d’abord la forme d’aphtes et de saignements dans la
bouche, touche les personnes aux systèmes immunitaires faibles.
On évoque jusqu’à 500.000 cas dans le monde, selon le Dr Emparanza, surtout concentrés en Afrique.
Mais le noma frappe aussi dans les pays les plus pauvres d’Asie et d’Amérique du sud, notamment.
"Le noma a des répercussions sociales importantes", précise le professeur de médecine ivoirien Guy Varango. "C’est une maladie, mais dans les villages on peut y voir des diableries, de la sorcellerie. On exclut les gens qui en souffrent".
Comme Flora. "Quand je sortais, on se moquait de moi, mes parents n’ont pas voulu que j’aille à l’école. Je suis tout le temps à la maison", témoigne la jeune femme, regrettant entre autres de ne pas avoir de "petit ami". "Comment voulez-vous que je connaisse l’amour ?"
La semaine dernière, l’équipe de Sourire un jour a vu plus de 100 patients et en a opéré une cinquantaine. Certains devront subir plusieurs interventions.
L’association prend en charge tous les frais (opération, nouriture, transport) pour ces patients généralement démunis et qui n’ont pas les moyens d’entreprendre ce genre de soins, destinés aussi à des gens souffrant de becs de lièvre ou d’autres anomalies.
- Pouvoir se regarder dans la glace -
A la clinique de La Rochelle, les patients reprennent confiance.
"Flora a pleuré quand le docteur lui a dit qu’on allait l’opérer et que c’était une +belle jeune fille+, qu’on allait l’aider. C’était la première fois de sa vie qu’on lui faisait un compliment", raconte Tieu Huberson, un des accompagnateurs, qui préside l’association des handicapés de la région de Danané (ouest, à la frontière avec le Liberia), lui-même aveugle.
"On a travaillé pour recenser les gens, rencontrer les chefs de village.
C’est grave. Ils (les personnes atteintes) ont honte de sortir. Tout le monde les regarde, imaginez l’humiliation!", souligne-t-il.
Dans une salle de réveil, Herman Goué, 19 ans, originaire de Danané comme Flora, émerge. Les docteurs lui ont pris une partie de la peau de la gorge pour la greffer sur son visage.
Le patient sourit difficilement et explique qu’il est "soulagé". Il souffrait depuis son plus jeune âge, "depuis qu’il s’en souvient" et attend de se "regarder dans la glace".
Quelques jours plus tard, après son opération, Flora a elle aussi découvert un visage nouveau. "Je suis heureuse, je vais pouvoir avoir un mari et des enfants.
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