L'AFRIQUE INTIME : POUR UNE EDUCATION A LA SEXUALITE DE NOS ENFANTS
En Afrique comme ailleurs, l'éducation à la sexualité demeure tabou dans beaucoup de familles, quel que soit le milieu social, la religion ou le pays. L'absence d'éducation à la sexualité est une forme d'éducation, qui laisse un vide abyssal en réponse à des questions que les jeunes, et moins jeunes, peuvent se poser de la manière la plus légitime qu'il soit.
La sexualité est un sujet qui concerne tout le monde, et qui est
encore souvent passé sous silence. Par peur, par honte, par incapacité. La peur
pousse certains à croire qu'en ne
parlant pas de sexualité, ils la maîtrisent. Ce qui est faux. C'est en parlant
de ce que l'on vit qu'on peut maîtriser ce que
l'on ne veut pas vivre.
Nous transmettons, de manière passive ou active, notre
vision de la sexualité et du désir à nos enfants. Et cette transmission
construira le bien-être, la confiance
qu'ils éprouveront à la découverte de leur propre sexualité, ou la honte,
l'inhibition, la culpabilité. Or la sexualité et le désir ne sont ni bons ni
mauvais. Ils sont neutres en cela qu'ils sont l'expression de besoins naturels.
Intimité, sensation et sensualité
Eduquer ses enfants, c'est d'abord les accompagner. Il faut
donc être présent
et avoir créé
un climat de
confiance pour qu'ils puissent exprimer leur
ressenti, leurs questions. Eduquer, c'est aussi instruire. En matière de
sexualité, le parent n'est pas forcément la personne la plus pertinente pour
son enfant. Soit parce qu'il ne parvient pas à trouver les bons
mots, soit parce que l'enfant éprouvera trop de gêne à interroger son père
ou sa mère.
A chacun donc de choisir une
personne référente - un oncle, une tante, une personne de confiance - et
de faire savoir à son
enfant que l'on a « validé » cette personne.
Parler de sexualité exige que l'on adapte son discours à
l'âge de l'enfant ou de l'adolescent et à son niveau de maturité. Le terme de
« sexualité » peut d'ailleurs être trop lourd. On peut parler d'intimité,
de ressenti, de besoins, de sensation, de sensualité.
Si l'on peut avoir besoin d'adapter son discours au fait
qu'on est face à un garçon ou à une fille, l'idée centrale pour tous est
l'apprentissage du respect de soi, du respect de l'autre et de l'égalité des
corps. Les jeunes filles doivent apprendre que leur
corps est important, qu'il leur appartient, que personne ne peut l'utiliser
contre leur volonté. Il est important qu'elles apprennent à ne pas se laisser faire, à
s'imposer.
Nos garçons doivent aussi apprendre à se respecter en
comprenant que le corps des jeunes filles ne leur appartient pas, qu'elles
n'ont pas à être soumises à eux, qu'ils ne peuvent en faire des esclaves ou les dominer. La question du
consentement mutuel est primordiale.
Une éducation adaptée et une attitude d'ouverture
permettent aussi à nos enfants de comprendre s'ils sont
victimes d'un geste déplacé, d'un abus, d'une situation anormale. Et leur accorde
un espace pour en parler rapidement. Parler de
sexualité et éduquer peut protéger nos
enfants des abus, de l'agression, du viol.
Un faux normalisé
L'autre défi des parents est de contrer l'omniprésence
de la pornographique, dont l'accès est facilité par Internet. Les enfants y
sont exposés de
plus en plus jeunes, dès 8 ans.
La peur et les tabous qui engendrent un silence
insupportable laissent toute la place à la pornographie, qui fera office
d'éducation sexuelle. Le problème de l'exposition des enfants à la
pornographie, c'est qu'ils sont en contact avec le scénario d'une sexualité
fausse et mensongère parce qu'elle est outrancière. Parce qu'elle est une
sexualité de performance. Quand la pornographie est leur seul accès à une
connaissance sexuelle, ce faux est normalisé.
Ce qui pourra être à l'origine de nombreux problèmes qui
vont au-delà de la question morale : des dysfonctionnements sexuels au
paradoxe du manque de désir, en passant par l'addiction et à l'incapacité
sexuelle, car le réel n'est plus apprécié pour ce qu'il est. Les futurs adultes
se construisent avec une idée de la sexualité qui leur fait perdre de vue
la relation et le plaisir
partagé.
Face à tous ces défis, nous nous devons d'être présents,
à l'écoute, en mesure d'instruire ou de faire instruire nos jeunes pour qu'ils
deviennent des adultes conscients, matures et responsables. La sexualité est ce
que nous en faisons.
Ali Habibbi, l'un
des experts de notre rendez-vous L'Afrique
intime, est thérapeute de couple, de famille et
sexologue. Il est aussi rédacteur en chef du site Islam & psycho.
http://lebanco.net/banconet/bco28891.htm
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