ASILE ET IMMIGRATION: UN PROJET DE LOI TRES DECRIE
Publié le 22-02-2018
En
France, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a présenté mercredi 21
février en Conseil des ministres son projet de loi sur l’asile et
l’immigration. Le texte provoque une levée de boucliers jusque dans les rangs
de la majorité.
Depuis
sa présentation en Conseil des ministres, Gérard Collomb ponctue désormais ses
tweets défendant son texte sur l’asile et l’immigration du même
mot-dièse : « #Humanité_Efficacité ». Deux mots censés figurer
les piliers d’un projet de loi que le ministre de l’Intérieur qualifie
d’« équilibré »
et qui, assure-t-il, s’aligne sur le droit européen. Le chef du gouvernement
Edouard Philippe l’avait déjà affirmé lundi à Lyon, où il était en
déplacement : cette refondation de l’intégration s’inscrit dans une
politique « qui
repose sur deux principes, l’humanité et l’efficacité ».
Réduire
les délais d’instruction
Le
« Projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile
effectif » suit ainsi trois axes majeurs. Le premier vise à accélérer le
traitement des demandes d’asile et améliorer les conditions d’accueil. Le texte
cherche à écourter les délais d’instruction de onze mois environ actuellement à
six mois. Il prévoit que toute demande soit déposée dans les 90 jours suivant
l’entrée en France, contre 120 aujourd’hui. Au-delà, le dossier serait traité
en procédure accélérée, privant le demandeur de certains droits. En cas de
rejet par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le
délai du recours à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) serait lui aussi
réduit, passant d’un mois à 15 jours. L’éloignement de certains déboutés, notamment
ceux originaires de pays dits «sûrs», pourrait enfin être facilité et appliqué
avant même le recours, sauf si le tribunal administratif est saisi.
Le
projet de loi mise également sur un échange d’informations entre les
hébergements d’urgence et l’Office français d’immigration et d’intégration
(Ofii). Une mesure qui fait écho à la controversée « circulaire
Collomb ». Publiée le 12 décembre dernier par le ministère de l’Intérieur,
elle demandait que des équipes constituées d’agents des préfectures et de
l’Ofii aillent collecter dans les hébergements d’urgence des informations sur
la situation administrative des personnes accueillies. Saisi par 28
associations, le Conseil d’Etat a décidé mardi 20 février d’en limiter les
conditions d’application.
Le
projet de loi prévoit par ailleurs un renforcement de la protection des jeunes
filles exposées à un risque d’excision et, pour les mineurs, une extension du
regroupement familial aux frères et sœurs. Il accorde aussi aux réfugiés
« subsidiaires » (une extension du statut de réfugié) et aux
apatrides un titre de séjour de quatre ans, au lieu d’un an actuellement.
Allonger
la rétention administrative
Deuxième
axe, la lutte contre l’immigration irrégulière. Le texte présenté par Gérard
Collomb projette d’augmenter la durée maximale de la rétention administrative
de 45 à 90 jours, voire 135 en cas d’obstruction. Il prévoit également
d’allonger la retenue administrative de 16 à 24 heures pour vérifier le droit
au séjour, et de renforcer les pouvoirs d’investigation, en facilitant
notamment la prise d’empreintes.
Enfin,
le troisième axe vise à améliorer les conditions d’accueil. Il compte faciliter
l’installation des étudiants chercheurs, étendre à de nouvelles catégories « le passeport-talent » et mettre en place des
dispositions protectrices sur le droit au séjour des victimes de violences
conjugales. Ces propositions pourront être enrichies lors du débat
parlementaire du rapport sur l’intégration commandé au député LREM Aurélien
Taché, qui recommande un doublement des heures de français et un meilleur
accompagnement vers l’emploi et le logement.
Un
texte jugé « dangereux »
Mais
ce projet est attaqué de toutes parts. A commencer par les associations. Si
elles saluent quelques mesures positives, elles qualifient le texte
de « déséquilibré »
et menaçant la procédure d’asile et l’accompagnement social. La Cimade parle même d’un
projet « dangereux »
qui, s’il est voté par le Parlement, conduira à « un affaiblissement de garanties et
droits fondamentaux, et l’accentuation de la maltraitance institutionnelle ».
« Contrairement au discours qui veut
que tout soit fait en faveur du demandeur d’asile, il est en fait maltraité par
ce projet », estime pour sa part le Défenseur des droits
Jacques Toubon dans un entretien accordé au Le Monde.
Dénonçant des délais impossibles à tenir, il juge que les procédures accélérées
que propose le gouvernement « confinent
à l’expéditif ».
L’administration
est elle-même vent debout contre cet énième texte sur l’immigration. L’Ofpra,
qui n’avait pas connu pareil mouvement depuis cinq ans, a fait grève mercredi,
tandis que la CNDA poursuivait un mouvement entamé huit jours plus tôt. « Les agents sont excédés »
par leurs conditions de travail, que le projet de loi risque d’aggraver,
expliquait à l’AFP Sébastien Brisard, du syndicat SIPCE, affilié à
l’Unsa-Justice.
Chez
les parlementaires aussi, le texte est loin de faire l’unanimité. Jugé trop dur
par la gauche et trop laxiste par la droite et l’extrême droite, il divise
jusque dans les rangs de la majorité. Depuis plusieurs semaines, des voix
dissonantes se font entendre chez les élus LREM, estimant le projet trop
répressif. Même si leur chef de file Richard Ferrand assure qu’il n’y a pas de
frondeurs parmi ses députés, mais seulement « des sensibilités », la question de
l’immigration pourrait bien devenir le premier caillou dans la chaussure du
gouvernement En Marche!. Il a désormais devant lui six semaines avant le début
des débats à l’Assemblée pour convaincre les protestataires.
http://www.rfi.fr/france/20180222-asile-immigration-projet-loi-tres-decrie
Commentaires
Enregistrer un commentaire