DANS LE DONBASS, BABY BOOM SOUS LES BOMBES
A 40 ans, Olena Gorbatova a donné naissance à son
troisième enfant dans des conditions que personne ne souhaiterait pour une
future mère: dans le vacarme des tirs et des explosions, sur la ligne de front
de l'est de l'Ukraine.
Cette habitante d'Avdiïvka, une ville industrielle
théâtre de combats meurtriers entre l'armée et les séparatistes prorusses en
février, est parvenue à rester calme pendant l'accouchement en s'imaginant que
le bruit des combats n'était qu'une fête en l'honneur de la naissance de sa
fille qu'elle a nommée Miroslava, "gloire à la paix" en russe et
ukrainien.
Cette naissance en temps de guerre n'est pas
inhabituelle. La ville, où des dizaines de civils et militaires ont péri lors
de la récente explosion de violence, connaît un mini pic de natalité que les
médecins attribuent à l'instinct poussant les habitants à rester en couple et à
un bouleversement du fonctionnement hormonal des femmes.
"Ces dernières années, nous sommes parvenus à donner
naissance à des bébés issus de familles de quadragénaires", souligne la
gynécologiste Svetlana Khomchenko, qui travaille dans cette ville en partie
détruite de quelque 20.000 habitants.
"Ils ont tenté d'avoir des enfants sans succès
pendant des années et des familles considérées comme stériles se mettent à
avoir des enfants. Il s'avère que le stress est un facteur" de natalité,
résume-t-elle.
- Accouchements à la bougie -
Sergueï, le mari d'Olena, doit franchir plusieurs
barrages de l'armée pour rejoindre la maternité où sa femme se repose. Les
femmes sur le point d'accoucher sont allongées à côté des blessés dans ce
bâtiment en partie transformé en hôpital de guerre.
AFP / Aleksey FILIPPOV Olena Gorbatova avec son bébé
le 16 janvier 2017 à la maternité d'Avdiïvka
Sergueï admet que beaucoup ont tenté de le dissuader
d'avoir un troisième enfant alors que la guerre dure depuis près de trois ans
et a fait plus de 10.000 morts et 25.000 blessés. "Mais nous avons tout de
même décidé de le faire", sourit-il.
Si les habitants d'Avdiïvka aiment plaisanter sur le fait
que ce pic de natalité est dû à la présence de soldats ukrainiens déployés dans
la ville, aucune étude scientifique sérieuse n'a cherché à expliquer pourquoi
les couples ont plus de relations sexuelles et sont plus fertiles en ces temps
de guerre.
La gynécologiste Svetlana Khomchenko cite seulement les
statistiques qu'elle a rassemblés. Au début de la guerre, en 2014, il y a eu 45
naissances à Avdiïvka, un chiffre qui a bondi à 110 en 2016 en dépit du fait
qu'une partie de la population a fui la ville.
AFP / Aleksey FILIPPOV De jeunes mères dans une rue
d'Avdiïvka, ville de l'est de l'Ukraine, le 16 janvier 2017
Elle se souvient de scènes d'horreur, quand les femmes
devaient se cacher dans le sous-sol de l'hôpital pour se protéger des bris de
verre alors que les fenêtres étaient soufflés par les bombes et les obus
tombant dans le jardin de l'hôpital.
Le système de chauffage de la ville est encore victime de
coupures sporadiques et beaucoup d'accouchements ont été réalisés à la lumière
de bougies même si un générateur a récemment été installé et les fenêtres
remplacées. Les icônes en revanche n'ont pas été retirées. "Cela calme les
mères. Les gens sont devenus très superstitieux", avoue-t-elle.
- 'Gloire à la paix' -
La maternité est restée ouverte même lors des pires
journées de février, quand les combats ont fait 35 morts sur toute la ligne du
front.
"On travaillait alors que les gens mourraient. Mais
nous avons été obligés de transférer certaines femmes sur le point d'accoucher
vers les villes voisines car il n'y avait pas de chauffage ou d'eau
courante", se souvient la gynécologiste.
Aujourd'hui, les affrontements ont quasiment cessé et de
nouveaux bébés s'apprêtent à venir au monde. "La situation s'est
normalisée. Si on peut parler de situation normale en temps de guerre",
souffle Mme Khomchenko.
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